Mario Sepulcre à Locu Teatrale Aiacciu. été 2020

Mario Sépulcre

            Mario est au grenier depuis ce matin. Forcément : il peint ! Il vient de retourner l’Homme au Gant sur lui-même, comme on retourne un gant, ce qu’on dit lorsqu’on passe d’une proposition donnée à son contraire, du blanc au noir, de l’affirmatif à l’infirmatif, au déni, de l’extérieur à l’intérieur… qui se livre d’un coup au regard de chacun, du pareil au même, quoi ! mais inversé. L’Homme au Gant retourné comme un gant, constatant avec effarement – enfin ! tranquille, l’effarement ! - que le majeur du gant de sa main droite est crevé à son extrémité. Que s’est-il donc passé ? Tenez, c’est comme ces citrons, par endroit légèrement apparemment abîmés, pas tous attention ! mais quelques-uns oui, nettement. Quand je dis abîmés c’est qu’ils paraissent affectés par quelque minuscule insecte, à moins qu’il ne s’agisse déjà du travail commencé de la mise en abîme : gâtés par la pourriture annoncée à tout être et toute chose. Vanitas vanitatum… Pensez donc ! Ces flamboyants citrons rutilants entamés déjà, malgré leur bonne mine par l’inéluctable décomposition qui nous guette tous, du plus vaillant, plus élégant, plus admirable, plus fier, plus tape à l’œil… au plus minable, plus ordinaire, plus quotidien, moins recommandable. Regardez-le-moi donc plus avant cet Homme au Gant tant admiré, si admirable : le voici la tête à l’envers ! A l’endroit qu’il occupait souverainement, il y a peu, c’est son double, tête bêche, qui s’est faufilé. Ça donne une belle carte à jouer, aux dimensions démesurées dans un jeu non identifié, non identifiable pour l’heure. Imaginons l’Homme au Gant en Roi. Quelle en serait la Reine ? Le Fou ? la Tour ? Le Cavalier… Bon, d’accord, je confonds, je m’égare : du jeu de cartes me voilà passé sans crier gare, ni coup férir, au jeu d’échecs. Mario Sépulcre vous m’égarez, à moins que ce ne soit vous, vous-même égaré depuis des lustres par votre passion pour l’œuvre du Titien, et ce gant, ce gant à l’extrémité du majeur déchiquetée, qui paraît comme fasciné, attiré, sur la toile d’à côté, par ce trèfle à quatre feuilles, rarissime comme tous les trèfles à quatre feuilles, sauf que ces quatre feuilles là sont quatre citrons flamboyants, vernissés, majestueux, pas encore du tout gâtés… pourtant, regardons bien celui qui figure la feuille gauche (dans le sens du regard) du trèfle : quelle est donc cette légère infime noirceur qui l’affecte en silence ?

            Mario ? Tu peux descendre !

© dumenicuanghjulu ottavi