Salut Léo

Salut Léo

était-ce le 14 juillet 1993 même, ou bien le 15 ? J'avais rendez-vous avec le pianiste (émérite) qui m'accompagnait alors : Rémy Bailet, pour procéder à l'enregistrement, à la demande d'un japonais, de "Avec le temps" de Léo. me rendant au studio, j'apprends la nouvelle de la mort de Léo. Nous enregistrons, "Avec le temps" moi la voix brisée, puis tout de go je dis à Rémy :"viens, on va dire aurevoir à Léo... Je pense à la Mémoire et la Mer... Rémy fais-moi la mer au piano, et nous improvisons tout de go, Rémy à la musique, moi au texte, de concert, cet hommage : "Salut Léo"

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​SALUT, LÉO

​dominique ottavi​

Eh bien Léo la mer la mer elle a fini par t’entendre hein Léo? depuis le temps que tu l’appelais

elle est venue la mer elle est venue te prendre

puisqu’elle n’avait plus de rivage à caresser, à malmener

-nos contemporains s’en sont occupé

ça faisait longtemps que sous le Pont Mirabeau déjà

tu t’en étais allé sur une remontée de chianti

classico, per favore, ou d’un verre de fine de trop

Léo soldé. Armes & bagages et maintenant que reste-t-il de la mer, de la mémoire?

ah je les vois déjà: en bon ordre ils vont tous un à un défiler

expliquer comment et pourquoi Léo t’es incontournable

à quel point pour eux tu as compté

ils seront tous autorisés labellisés patentés

ils te chercheront des ancêtres Wagner Bartok Paganini Baudelaire même

Léo Léo NRFÉ 

et une fois  de plus ce sera l’âme des pauvres gens mise au panier

et toi, toi je t’entends encore gueuler

tu les vois ah oui tu les vois comme toujours ils te font vomir toute la bile de ton cercueil sur les plages de Monte-Carlo toute ta folie expédiée franco destinataire inconnu alors le port encore une fois tu leur en feras cadeau eux qui déjà ont tout eux qui déjà ont tout

ô Léo la mer la nuit la solitude ma nuit ma solitude mon verre de trop mon improbable indéfendable révolte

Léo salaud, Léo salaud t’es parti Léo  moi je suis là

j’ai rien à dire rien qu’à souffrir encore de quelque chanson mal inachevée avec tes mains tes belles mains qui battent sur le désert de je ne sais quel clavier perdu de je ne sais quel temps  perdu à partir avec je ne sais qui 

sauf la mer

alors qu’il n’est que l’heure de boire face au large de rédiger “ au propre” et de revoir son Ferré

Ah, ils avaient fini comme toujours par trouver l’étiquette à t’appliquer pour désamorcer la mèche: Anar Ferré. T’es un nanar tu le savais, Ferré?Nanar

au grand coeur bien sûr et sans revolver  jamais  tu penses!

Mais quand tu parlais du cul des filles si souvent si souvent ils jugeaient ça d’une obscènité non de mise pour un poète comme toi

poète? silence oui. Profits et pertes on n’écoute pas Ferré on n’t’écoute pas on n’t’a jamais écouté Ferré on s’attache juste à tes cheveux blancs si longs ta campagne toscane ta compagne exemplaire qui t’avait réconcilié avec la famille et les enfants qu’elle t’avait donné passé 56 ans c’est quand même mieux qu’une chimpanzée hein Léo? plus propre peut-être plus présentable Léo j’oubliais aussi que tu leur avais prêté le flanc:

poète écrivain chef d’orchestre, à baguette alors pensez donc: les Anarchistes!

mais qui? pour avoir vraiment écouté la Mémoire & la Mer

qui? pour en faire une basse continue de sa vie

jour & nuit

toute une nuit

en décryptant toute la belle pornographie désespérée:

l’Amour, la Mort, le Cul

vidant de concert avec l’Ami, l’ Ami une bouteille de gnôle de la vraie de bouilleur de cru pour ce qu’il en reste des crues

qui? Moi! La Mémoire & la Mer la Mémoire & la Mer la Mémoire & la Mer

LÉO!

Léo tu me manques tellement déjà

déjà Léo tu me manques

tellement déjà

Léo

putain de mois de juillet