Allez, allez voir. jusqu'au 10 mai, vous avez encore un peu de temps. Allez ! ce soir, 3 mai, c'était vernissage, cohue, salutations, échanges, mais d'emblée j'ai été saisi par je ne sais quoi qui me parle et qui vient je crois du Nô, de quelque chose du Japon, du hiératique domestique, ou de par là... la fillette au dos recousu, du sang sur le mur en face, mais du sang doux, pas du sang bouillonnant, ni agressif - on n'est pas dans une série tv américaine, on est, sans désemparer, dans la douceur. La souffrance n'en est que plus soulignée. Les "implosantes fixes" des esquisses, esquives, ici ou là, au mur ou dans les carnets généreusement mis à disposition - ah les gants blancs !- apparemment académiques fouillent au plus profond du geste, du mouvement. La cage est ouverte et la poupée, noire, toute petite, réduite à une miette, dérisoire, abandonnée dans la main de la fillette qui a d'autres chats à fouetter, écrasée qu'elle est par l'immensité qui la déborde d'un monde en couleurs intentionnellement ternes, donc sans joie. Les carnets encore, j'y reviens, en ribambelle, dont la présence émouvante, parce que de chaque jour, chaque instant du jour, ramène au beau "travail", au "bon plaisir" de faire. Dorénavant, je le décrète de concert avec Sophie, nous ne "travaillerons" plus, nous jouirons du monde, de tout notre regard, et de tout ce qu'il nous enjoint d'application tactile pour le restituer. Le reflet dans le miroir n'est d'aucune réalité. L'oeil est le miroir : ce qui s'y reflète n'est d'aucune réalité non plus, autre que ce qu'il vient chercher au plus profond de soi : j'imagine à partir de cette illusion, et je "fais". Le propre de l'artiste se situe quelque part par là : faire croire que ce qu'il voit et donne à voir, par delà l'illusion indéniable, est doté d'une "réalité" objective. Et l'artiste est grand quand il permet d'y croire. Ce soir j'y crois. Merci Sophie.