31 Juillet 2017
" Je ne hais pas mes ennemis, seulement je les combats, ou plutôt je combats en eux ce qui fait qu'ils sont mes ennemis..."
Une promesse est une dette.
Cesser de penser binaire
Blanc noir
Bien mal
Nuit jour
La vérité n'est pas une valeur
Le bonheur, seul.
Pierre-Paul Marchini AU COUTEAU, LA MISSION…
J’ai été touché et flatté, lorsque Pierre-Paul m’a demandé d’écrire un texte sur
son oeuvre. Je lui ai demandé qu’il me fasse découvrir son atelier.
Il peint chez lui, dans l’appartement où il vit. Des toiles partout, ça déborde
par l’entrebâillure des portes des différentes pièces et l’oeil cherche déjà sa pâture.
Mais l’oeil va être non pas déçu mais vite dépassé par l’envie de toucher, de
promener ses doigts sur cette matière généreuse, vivifiante, encombrante quelque
part, puisqu’il est très difficile de lui échapper.
Je reprends mes esprits en m’accrochant à deux petites toiles accrochées audessus
du canapé et qui sont d’une facture fraîchement et tendrement naïve.
« Ce sont mes premiers essais, à mes débuts… »
Je reviens à ces grands formats mordorés, où la lumière jaillit d’une sorte de
point focal, et qui me touchent beaucoup.
Pierre-Paul m’interrompt : « Ce sont des toiles anciennes, à présent, ma
manière d’aujourd’hui a bien changé. À cette époque, mes débuts, j’étais fasciné par
Turner, qui était un peintre abstrait finalement, avant la lettre. »
Je lui réponds qu’effectivement ces sortes de soleils levants m’avaient tout de
suite fait penser à quelque chose que je connaissais.
« Pierre-Paul, toute cette matière, ces glacis, ces giclées de peinture, elle vient
de votre travail au couteau, non ? »
« Tout à fait »
« Et votre chevalet, le meuble emblématique du peintre ? »
« Je n’en utilise pas, je peins à plat sur la table qui est là. »
L’idée me séduit : faire « venir » son oeuvre à plat, sur la table où l’on mange,
où l’on écrit, fait ses comptes… Toutes ces choses qu’on fait sur une table. On est bien
loin de l’image ancestrale de l’atelier où l’on se retire du monde, dans la pénombre
en quelque sorte, même si elle se doit d’être « lumineuse » cette pénombre, pour
s’adonner à l’Oeuvre…
Pierre-Paul me dit : « Vous savez, j’ai toujours été fasciné par le travail
manuel, celui des ouvriers, des maçons, ce côté travail à la truelle, ou au couteau,
c’est pareil, qui ne prend pas de poses, qui se veut simple, ordinaire, dans la réalité
commune…
Me voilà très ému de cette remarque, cet aveu confiant, sincère et superbe.
« Pourquoi, dans vos plus récentes oeuvres, la lumière s’est - comment dire ?
comme un peu éteinte ? - au profit, s’il est possible d’un surcroît de matière ? »
« Parce que je souhaite qu’à travers mes toiles les gens cherchent et trouvent
leur propre lumière intérieure, qu’ils creusent, qu’ainsi, au-delà du plaisir qu’ils en
retirent, ils s’orientent vers leur bonheur… C’est la mission que je me suis donnée,
c’est pour cela que je peins, et que je m’obstine… »
Je repense à Rimbaud : « … les horribles travailleurs qui creusent. S’ils
trouvent de la forme, ils ramènent de la forme, si c’est de l’informe, ils ramènent de
l’informe… » Qui n’a rien à voir avec le difforme, bien au contraire!
Pierre-Paul sait fort bien ce qu’il fait, quel chemin il poursuit, et cet itinéraire
qui se dessine au fil de sa passion, est celui de sa mission, celle qu’il s’est donnée…
Chapeau l’artiste !
Une toile un peu à part : "Acelli", où des bleus évanescents, translucides, sont
rendus encore plus prégnants par la présence, comme de leurs ombres portées, de
graphies à leurs ressemblances, toutes de gris et de noir.
""Anima vagabonda", je l’ai lue comme une descente aux ténèbres, pour en
rapporter la lumière justement.
Et le « Près des quais », qui marque une exception, comme un retour au
presque figuratif, juste à peine suggéré, et par la grâce de cette matière généreuse,
d’autant plus lisible…
© dominique ottavi